"Je ne peux cautionner ce plébiscite!"
01/02/2015 10:00
Carte blanche de Jean-Louis CLOSE, ancien Bourgmestre de Namur, sur le projet de mastodonte commercial sur le Square Léopold.
Le 8 février prochain, les NAMUROIS sont appelés à participer à une consultation populaire à propos de la transformation du Parc Léopold en un centre commercial de 23000 m², ce qui entrainera la disparition de l’espace arboré mais aussi la construction, à l’arrière de ce bâtiment, d’une rampe routière permettant l’accès des bus interurbains sur le toit de la gare à 17 m de haut.
Ma qualité de citoyen namurois et de Bourgmestre de cette ville durant 18 ans m’incite à m’inviter au débat et à émettre quelques réflexions sur un projet dont la nature et l’ampleur auront une influence considérable sur les conditions de vie des Namurois pour de très nombreuses générations en termes d’aménagement du territoire, de mobilité, d’urbanisme et de vision du développement urbain.
Durant toutes ces années de mayorat, je n’ai eu de cesse de repousser et de combattre les projets de centres commerciaux en périphérie immédiate ou sur le territoire de communes voisines. Je n’éprouvais aucun regret à voir mes collègues d’autres villes s’enorgueillir de couper les rubans rituels abreuvés qu’ils étaient par les belles promesses des investisseurs. Je préférais diffuser l’idée d’un « centre commercial à ciel ouvert » à implanter dans les artères commerciales du centre.
Mes premières réflexions à propos de la consultation populaire aborderont les modalités de son organisation.
Depuis des mois, des dizaines de bénévoles amoureux de leur ville ont alerté les citoyens sur les conséquences écologiques, sociales et commerciales du projet démesuré de la Majorité cdH-MR-Ecolo.
De nombreuses associations et des citoyens se sont exprimés par les voies légales notamment lors de commissions consultatives, d’enquêtes publiques ou d’interpellations au Conseil communal pour tenter d’infléchir la volonté du Collège.
Malheureusement, ils ont dû constater que ce Collège communal éludait leurs réflexions et leurs questions mais aussi n’entendait accepter aucune de leurs propositions parce qu’elles n’auraient pas permis l’exécution complète de l’accord qu’il avait conclu il y a 8 ans, sans concertation, avec des partenaires publics (SNCB-SRWT) et un promoteur privé.
Par deux fois, des pétitions ont été signées rassemblant en tout près de 25.000 signatures.
La seconde a abouti à forcer, par la voie légale, le Pouvoir communal à accepter l’organisation d’une consultation d’initiative citoyenne.
C’est le moment que choisit la Majorité cdH-MR-Ecolo pour reprendre l’initiative politique et imposer sa propre consultation avec ses propres questions, rejetant la question pétitionnée.
Cette attitude a été stigmatisée par l’associatif, l’opposition PS et le PTB et qualifiée de déni démocratique, d’hold-up politicien et de manipulation.
Une procédure de contestation de cette décision introduite auprès de la tutelle régionale n’a pas abouti, illustration flagrante d’un conflit d’intérêt manifeste entre la fonction de bourgmestre « empêché » et celle de membre du Gouvernement wallon appelé à trancher le litige.
Ce même Gouvernement qui propose d’exclure toute consultation d’initiative parlementaire c’est-à-dire politique dans le processus d’une consultation populaire au niveau régional réservant à la seule initiative citoyenne le droit de réclamer une consultation !!!
Comment expliquer que le même homme politique change de conviction lorsqu’il est bourgmestre « empêché » ou ministre régional ?
Fort de cette décision régionale, la Majorité communale s’est lancée dans une véritable campagne électorale, s’accaparant à son seul profit politique, les moyens budgétaires et administratifs de la Ville.
La Ville de Namur serait-elle devenue l’officine officielle des Partis cdH, MR et Ecolo ?
Dans ce cas, pourquoi donc ces 3 partis n’assument-ils pas le coût de leur campagne comme le font les opposants au projet ?
Pourquoi la tutelle régionale laisse-t-elle s’exécuter un tel abus ?
L’Autorité communale est plus qu’une Autorité politique, elle est aussi une Autorité morale.
Et dans ce cas, elle a failli à sa mission imposant un plébiscite plutôt qu’une consultation citoyenne.
Mes secondes réflexions concerneront le fond même du dossier.
Pour ma part, les arguments de la Majorité justifiant l’accueil d’un complexe commercial d’une telle ampleur ne m’ont pas convaincu.
Je conteste l’utilisation de la peur lorsque cette Majorité déclare que « la seule issue pour sauver le commerce namurois est l’accueil d’un centre commercial de 23.000 m² ».
Qui peut croire que les promoteurs de centres commerciaux soient des philanthropes animés par le souci de préserver les commerces qui les bordent. Personne.
Mais ils font leur métier : concevoir, bâtir, animer et vendre de l’immobilier – ici commercial – qui assurera un dividende « raisonnable » à leurs actionnaires. (N.B. : le projet a déjà été revendu 3 fois depuis 8 ans !!!)
Et pour ce faire, capter la clientèle, la garder et lui faire dépenser un maximum dans ses murs et non l’inviter à sortir du centre commercial pour favoriser le commerce local.
Le commerce namurois a surtout besoin du soutien de la Ville en particulier dans les domaines de la mobilité, du parking de proximité à un coût raisonnable, de la sécurité, de l’animation, de la créativité, de l’esthétique,…et pas de 4 ans de travaux et plus… qui tueront le centre-ville.
La Majorité brandit l’argument de la création de 900 places de parking souterrain soit 300 de plus qu’actuellement, ce qui serait juste suffisant pour satisfaire la seule clientèle du centre commercial et ne compenseront pas les nombreuses pertes constatées et à venir notamment les centaines des Casernes Léopold.
Pourquoi justifier le projet commercial namurois en agitant l’argument de la concurrence entre villes wallonnes et en prétendant que Namur devait atteindre le même niveau d’équipement que les autres villes importantes de Wallonie ?
Namur a sa propre identité, elle n’a pas à ressembler aux autres villes, elle doit miser sur ses propres atouts.
Le projet de centre commercial est un mastodonte de béton de 23.000 m² soit 30 ou 50% en plus – selon les sources – du commerce existant au centre-ville.
C’est donc 30 à 50% de clients à attirer en plus, 30 à 50% de dépenses en plus or ni les Namurois, ni les Wallons n’ont et n’auront 30 à 50 % de pouvoir d’achat en plus dans leur portefeuille. Donc, il y aura destruction de commerces et d’emplois dans le centre-ville, à Jambes et dans les commerces de la périphérie.
23.000 m², ce sera, du côté chemin de fer, un mur aveugle de 235 m de long sur 20 m de haut, barré par une rampe et un pont haubané qui condamnera définitivement Bomel à l’isolement, ce sera une rue Borgne(t) emmurée.
Comment justifier de sacrifier à des finalités spéculatives un espace public, des arbres centenaires, ce qui va à l’encontre de l’évolution des villes du 21ème siècle qui assoiront leur réputation sur leurs différences, leur authenticité, la qualité de leur cadre de vie et de leurs espaces publics.
Doit-on favoriser la consommation à outrance sous le fallacieux prétexte de moderniser un quartier ?
Non, décidément, je ne peux livrer ma ville à un projet aussi disproportionné et consumériste qui va la déstabiliser, lui faire perdre son âme et ne lui apporter aucune plus-value sociétale, sociale ou culturelle.
Non, je ne peux cautionner une telle tentative de plébiscite.
Une autre ville est possible.
A vous Namurois de réfléchir au futur de votre ville.
Exprimez-vous nombreux le 8 février prochain.
Jean-Louis Close
Ancien Bourgmestre