Dette de la Ville : une bombe à retardement
01/06/2018 14:00
Nous voilà au terme de la législature, à tout le moins s'agissant des dossiers financiers.
Je pense que nous devons profiter de ce moment pour jeter un coup d'oeil dans le retroviseur, pour faire l'état des lieux et surtout, en cette veille d'élections, pour appréhender les défis auxquels seront confrontés ceux qui assumeront les responsablités.
C'est donc aussi une occasion d'avertir les namurois sur ce qui les attend qui nous est offerte.
J'ai assisté attentivement aux exposés du service des finances, du bourgmestre et aux questions de certains collègues lors de la commission de vendredi.
Et, pendant le week-end, j'ai tenté de traduire l'esprit de ces discussions.
Je les résumerais volontiers en 5 mots : Ca semble aller aujourd'hui mais....
Ca semble aller aujourd'hui parce que le budget est en boni mais pas au point de désserrer l'étau de la fiscalité des namurois .
"Ce n'est pas possible, nous a-t-on dit, parce que nous sommes toujours convalescents et, en plus, étant sous plan de gestion, on ne peut pas diminuer les taux de fiscalité".
.A ce sujet, j'ai lu dans la presse cette phrase qu'on vous attribue "Le parti qui promettrait de baisser les impôts ferait de la démagogie ".
Certes!
Et celui qui annonce qu'on ne les augmentera pas mais qui les augmente quand même, c'est quoi ? Du reniement, de la démagogie ?
Je ne vous ai pas entendu à l'époque.
Pour revenir à l'impossibilité légale de diminuer la fiscalité, la circulaire de la région interdit effectivement que l'on réduise les taux actuels mais cette circulaire précise aussi que les communes sous plan de gestion ne peuvent avoir un PrI inférieur à 2600 et un Ipp inférieur à 8%.
Avec nos 2900 et 8,5 % à Namur, pas de danger, nous sommes largement au-dessus de ces planchers.
A posteriori, cela nous rappelle que la décision de porter le taux Ipp de 8 à 8,5 % relevait de la responsabilité exclusive de la Ville.
Cela allait sans le dire,mais cela va encore mieux en le disant.
Après cela, j'ai replongé dans les documents, je me suis dit qu'une MB1 ne pouvait être lue sans revoir le budget initial, ce que j'ai fait puis je me suis souvenu de ce que Canal C avait consacré un reportage aux débats budgétaires de décembre et je l'ai revisionné.
Je vous invite tous à le faire, cela dure 3 ou 4 minutes, c'est l'édition du journal du 15 décembre 2017.
C'est fou ce que la télévision peut avoir un effet "loupe", même sur des éléments aussi abstraits que des chiffres.
C'est fou ce que la télévision peut colorier en technicolor ce qui, en réalité est en noir ou gris.
Ce reportage contient 3 séquences.
Dans la 1ère, le bourgmestre, avec un sourire que je n'avais jamais vu, dit texto :" Nous avons un boni de quasi 2 millions".
Dans la 2ème, je tente de tempérer un peu son enthousiasme.
Dans la 3ème, il dit : "Nous avons un boni de 1,7 million et 18 millions de réserve "
Je n'ergote pas sur la différence entre quasi 2 millions et 1,7.
Mais ce qui m'interpelle, c'est la différence de ton selon les auditoires.
En commission, alors que les chiffres initiaux n'ont quasi pas bougé, vous avez tôt fait de doucher les velléités de Madame Kinet, sur une éventuelle baisse de l'Ipp , invoquant, comme je l'ai dit, l'impossibilité légale et prêchant la nécessaire prudence.
Mais devant les caméras, devant les namuroises et les namurois, "to va bin, everybody is binauche, tout baigne, quasi 2 millions de boni, des millions de réserve , pas d'augmentation de taxe comme si on augmentait les taxes en année électorale.
Et donc, j'ai découvert un aspect de votre personnalité que je ne connaissais pas.
Je me suis dit que vous pouviez, selon les circonstances, les interlocuteurs, les auditoires avoir un côté Docteur Jekyll, cela devant la population et hélàs, un côté Mr Hyde, dans les débats feutrés d'une commission.
En d'autres termes, le message aux namurois n'a rien à voir avec celui que vous communiquez en interne.
Cela, c'est pour la forme.
Sur le fond, Je dois aussi ajouter que le chiffre de 1,7 million de boni que vous citiez m' a longuement poursuivi.
Et j'ai trouvé la raison.
A la page 16 de la note d'explication du budget 2017, se trouve la phrase suivante :" Pour rappel, lors de l'établissement des projections 2017-2021 accompagnant le budget 2016, la recette additionnelle à l'Ipp projetée pour 2017 avait été calculée sur base d'une moyenne entre les exercices 2015 et 2016 majorée de 2 % et à laquelle il avait été ajouté une croissance de 1,7 million d'euros liée au passage du taux Ipp de 8 à 8,5 %".
Ainsi donc, le boni de 1,7 million que vous avez brandi presque triomphalement, c'est le 1,7 million que la majorité est allé chercher dans les poches des namuroises et namurois.
Je trouve que c'est bon que ceux-ci et celles-ci sachent que le mérite leur revient, même si c'est à leur corps défendant.
Je ferme la parenthèse pour revenir à la MB1.
Si on compare des pommes avec des pommes, le 1,7 million est devenu 1,455 million, un peu moins mais les réserves, elles, passent de 18 à 20 millions.
Un mot sur ces 20 millions que la presse a relayé comme si on avait gagné la coupe du monde.
Je vais vous décevoir. On n'a pas gagné la coupe du monde.
C'est un peu comme dans les contrats, il faut toujours lire les petites lettres.
Et, en petites lettres, il est éctit :"J'ai appris qu'on ne sait jamais trop à quoi s'attendre. Baisser les impôts, ce serait prendre le risque de devoir les réaugmenter aussitôt."
Je rappelle que le retour à 8 % d'Ipp coûterait 1,7 million et donc, même cela, même si on pouvait légalement le faire, on ne saurait pas le faire malgré une cagnotte de 20 millions ?
Etrange, non ?
En réalité, ces 20 millions ramenés à l'échelle d'un ménage moyen, c'est un petit peu comme si je disais à ma femme : "Ma chérie, nous avons 20.000 euros sur notre livret mais nous ne saurons pas aller en vacances, ni cette année, ni les années suivantes parce que notre dette a explosé et je n'ai pas encore compté le montant de la voiture que j'ai commandée, la voiture étant évidemment ici le téléphérique.
Bref,contrairement à ce que certains titres raccoleurs pourraient laisser croire, les chiffres ne permettent aucun relâchement, qu'on soit ou pas sous plan de gestion, cela ne change rien.
Et moi, je comprends que, non seulement ce n'est pas possible, mais surtout que des mesures impopulaires devront être prises sous la prochaine législature, certes en raison de facteurs exogènes, mais aussi suite à des décisions prises ou sur le point d'être prises et suite à l' évolution de notre endettement
La lecture des projections quinquennales est très éclairante et surtout extrêmement inquiétante, un petit peu comme si on avait décdé de cacher les poussières sous le tapis.
Pour ceux qui ne les auraient pas lues, elles révèlent pour les 5 prochaines années, de 2019 à 2023, un déficit cumulé de 29 millions, je précise, avant mesures.
Après mesures, ce déficit serait ramené à 7,4 millions.
22 millions de mesures seraient donc déjà prises, des économies en éclairage public pour 1,7 million et des économies de personnel pour 20,3 millions, soit plus de 5% du poste "dépenses de personnel" par an.
La Ville envisage de ne pas remplacer 25 agents chaque année, soit 125 sur 5 ans.
Curieux tout de même cette philosophie quand on sait qu'entre novembre 2017 et fin 2018, la Ville aura embauché 84 personnes.
Il y manifestement un effet "avant les élections " et un effet "après" mais ne soyons pas mauvaise langue, c'est sans doute un hasard.
Quant à l'impact supposé de la mesure, je suppose qu'il n'a pas tenu compte de la réforme des pensions des agents du secteur public, réforme qui entraînera, à coup sûr, des changements de comportement, notamment quant à l'âge où on prend sa retraite.
On y reviendra sans doute rapidement.
Pour les autres postes, j'observe qu'il y a des chiffres dans les projections quinquennales qui témoignent d'un optimisme qu'aucun fait ne peut corroborer.
Si cela portait sur des milliers d'euros voire des dizaines de milliers d'euros, ce ne serait pas grave, ce serait même inhérent à la nature de l'exercice.
Mais il y a des chiffres qui sont inexplicables
Je prends l'exemple du PrI dont, pourtant, l'évolution des dernières années, aurait dû vous mettre la puce à l'oreille.
En décembre 2014, le service des Finances avait fait une note très élaborée sur les projections quinquennales.
Elles prévoyaient 41,138 millions de recettes PrI en 2017.
Aujourd'hui, nous connaissons la réalité de la recette PrI de 2017. C'est 38,8 millions, soit 2,3 millions ou 5 % en moins que ce que prévoyaient les projections.
Un tel score aurait dû inciter à la prudence.
Que nenni !
L'examen des comptes 2017, lui, nous apprend que, depuis 2011, les recettes PrI actées au compte sont toujours inférieures, en moyenne annuelle, de plus d'un million par rapport à celles budgétées.
Un tel constat du service des finances aurait dû modérer les ambitions.
Que nenni !
On continue à retenir des taux annuels de progression de 3,5 % en période d'inflation basse.
On devra sérieusement déchanter sauf........ à revoir le niveau des décimes additionnels.
Je n'ai pas fait l'exercice pour l'Ipp parce que les soubresauts de l'enrôlement ne le permettent pas.
Simplement, je rappellerai que l'effet du passage de l'Ipp à 8,5 % est mangé par l'application du tax shift dont, au passage, je rappelle, on n'a pas fini de ressentir l'impact puisque la 2ème tranche n'est appliquée que depuis le début de cette année et donc qu'ici aussi, nous risquons de déchanter .......sauf à revoir le taux des additionnels.
En dépenses, il y a maintenant l'apparition des 600.000 euros pour le téléphérique.
On aura un débat sur le sujet en juin, je ne m'attarderai donc pas sauf pour rappeler qu'il s'agit d'un contrat léonin qui , selon les dires mêmes de l'exploitant représente pour lui un investissement de 5,4 millions mais un coût de 20 millions pour la Ville.
On peut se demander s'il n'aurait pas été plus judicieux de le faire nous-mêmes.
Je trouve aussi curieux qu'un engagement à verser une somme indexable à un concessionnaire pendant 30 ans figure en dépenses de fonctionnement.
Cela sonne sans doute mieux que si on l'avait mis en dépenses de dette mais dans les 2 cas, le résultat est le même, il faudra payer.
Quant aux dépenses de dette, j'observe que la charge des emprunts part propre explose dans les prochaines années.
Je ne doute pas que "la gestion dynamique de la dette de la Ville", je mets évidemment des gros guillemets, réduira ce montant mais il n'empêche qu'elle connaîtra une hausse significative.
A ce sujet, je voudrais rappeler que je ne partage pas cette politique d'allongement des durées d'emprunt.
La durée moyenne des emprunts de la Ville dépasse significativement les 20 ans aujourd'hui.
Quand je lis dans le rapport du directeur financier que les 2 opérations d'allongement de 20 à 30 ans de 2009 et 2015 de la durée des emprunts ont permis des gains de plus de 2 millions, je dois vous avouer que nous n'avons pas le même sens des mathématiques.
3 grandes banques interrogées par mes soins m'ont indiqué que, globalement, le coût d'un emprunt à 30 ans générait, au-delà du remboursement du capital, une augmentation de la charge d'intéret de 45 à 55 % supplémentaires par rapport à un prêt à 20 ans.
Les banques ont de beaux jours devant elles.
Je ne conseillerais donc pas cette politique à mes enfants et on m'a toujours dit qu'il fallait gérer l'argent d'autrui comme on le gérerait pour soi et ici, je rappelle que la dette de la ville, c'est la dette des contribuables namurois.
J'ajoute enfin que les incertitudes sur l'environnement européen devraient inciter à la prudence ce qui n'est pas le cas lorsque on se projette aussi loin dans le temps.
Ceci ne signifie pas un stop aux investissements mais un examen rigoureux des choix opérés en donnant toujours la priorité aux investissements vertueux, ceux qui rapporteront à terme.
Malheureusement, ceux-ci comme l'éclairage Led et l'isolation et les panneaux voltaiques ne constituent pas, loin de là, la majorité de nos 2000 emprunts.
Pour conclure :
En débutant, je disais : "Ca semble aller aujourd'hui mais...."
Tout est évidemment dans le "mais".
En fait, votre mérite ou plutôt votre adresse, c'est d'avoir pu dissimuler ou plutôt reporter les difficultés de quelques mois jusqu'au moment du prochain budget.
Vous avez pu le faire parce que la Région n'a pas été chiche avec vous et la bonne nouvelle sur la dotation est arrivée à point nommé.
Vous avez pu le faire parce que les namurois y sont allés de leur poche.
A ce sujet, je trouve paradoxal pour ne pas dire schizophrène la position d'un parti de la majorité qui fera sans doute campagne l'année prochaine sur le tax shift mais dont les namurois, dans les faits, ne bénéficieront pas à cause du relèvement de l'Ipp.
Vous avez pu le faire parce que, ce que vous appelez la gestion dynamique de la dette, c'est plutôt de la dynamite ou une bombe à retardement.
Vous pouvez encore bercer les namurois d'illusions en annonçant des recettes fiscales dont vous savez qu'elles se dégonfleront.
Nous ne serons évidemment pas d'accord mais cette fois, le dénouement est proche.
On se donne rendez-vous?
José Damilot