Budget 2016: La dette de la Ville de Namur grèverait-t-elle outrancièrement nos finances?
17/12/2015 20:00
Chers collègues,
C’est la 4ème année que je parcours attentivement le budget de la ville, pas suffisant pour faire de moi un expert, je ne suis ni financier, ni comptable de formation.
Je me garderai bien, dès lors, d’émettre des jugements définitifs, je me limiterai à des questions, des remarques et quelquefois je me hasarderai à vous faire part de mes appréhensions pour l’avenir.
J’ajoute, au vu de ma courte expérience, que, s’agissant d’un budget et donc de prévisions, par les temps qui courent, l’humilité et la modestie doivent être de mise et, pour ma part, j’essaierai de ne pas m’en départir.
Pour commencer: en relisant mes notes des 3 budgets précédents, je me suis rendu compte que j’avais fait part de mon pessimisme à propos des recettes escomptées et que, malheureusement, cela s’est vérifié plusieurs fois au moment des comptes.
Ainsi, pour ne prendre que le dernier exercice connu, 2014, les comptes Ipp et PrI , cumulés, révèlent 3,5 millions en moins que ce qui avait été budgété à l’initial.
On ne connaît pas encore les chiffres définitifs de 2015 mais on sait déjà qu’on connaîtra la même mésaventure.
Nous devons intégrer cette donne, j’y reviendrai.
Pour le budget 2016, ce qui constitue l’élément marquant, c’est le yo-yo considérable de l’Ipp.
Moins 7,8 millions pour 2015, + 7 millions pour 2016 par rapport aux chiffres du budget initial 2015, ce n’est pas un exercice de prévision, c’est pair-impair, rouge ou noir au casino et au casino, statistiquement, c’est toujours la banque qui gagne.
Où se trouve la réalité ?
Je n’en sais rien mais je pense que la moyenne des recettes des 5 derniers comptes, reprise dans le document, donne un chiffre qui ne devrait pas être éloigné de la vérité.
Cette moyenne est d’un peu plus de 33 millions, soit le montant perçu pour 2010 et donc je pense que ce serait erroné de dire que les aléas de cette recette sont liés exclusivement au rythme de l’enrôlement. Il y a, en plus, selon moi, une stagnation des revenus des contribuables.
Quant au montant retenu pour 2016, je veux croire qu’il n’intègre pas une partie de la hausse de l’Ipp de 8 à 8,5% applicable aux revenus 2014, surtout quand on connaît le zèle du SPF Finances.
Sur les recettes PrI, j’observe, enfin, une grande prudence dans l’estimation.
J’attire toutefois votre attention sur le fait que la majoration escomptée de 0,03% a été calculée sur le montant budgété pour 2015, lequel est supérieur de 2,4 millions aux comptes 2014.
La prévision retenue est modeste mais je crains qu’elle ne s’avère encore trop optimiste.
Sur le Fonds des Communes, on nous annonce une hausse très significative mais l’auteur du document nous rappelle que ces dernières années, les montants annoncés avaient été revus à la baisse en cours d’exercice d’où la constitution d’une provision pour risque de fonds des communes.
Je m’arrête un instant sur les 3 recettes que je viens d’évoquer et qui représentent plus de 2/3 des recettes totales.
A la différence des dépenses qui concrétisent très largement la politique de la Ville et qui constituent souvent des prévisions très fiables, la partie recettes du budget relève davantage de l’incantation.
Bientôt, il faudra se faire vacciner pour toutes les recettes qu’on espère mais qui ne se vérifient pas.
C’est un constat qui doit nous imposer la plus grande prudence pour chaque euro dépensé.
J’y reviendrai dans un instant.
Mais d’abord, un mot sur quelques mesures, surtout extérieures, dont nous savons déjà qu’elles vont impacter à court et moyen terme les finances de la Ville.
Vous en parlez aux pages 52 et 53 à l’occasion des projections 2017 – 2021.
Je les trouve non seulement trop optimistes mais, en outre, elles éludent d’autres mesures qui, elles, pénaliseront nos recettes.
Sur l’Ipp, vous répartissez pour 2015 et 2016 les montants de 26,9 et 41,8 millions qu’on vous a communiqués comme prévision.
Cela, je pense que c’est raisonnable, encore faudra-t-il que les prévisions se confirment car les chiffres qu’on vous a communiqués ont été établis par rapport à la prévision de budget initial 2015 et entretemps les comptes 2014 ont donné des résultats inférieurs de 7% par rapport à ce budget.
Pour 2017, vous ajoutez 2 % et l’impact du passage de 8 à 8,5 % (1,75 million) .
Pour les années suivantes, vous tablez sur 2 % d’augmentation puis 2,75 et 3 %.
Je ne crois pas à ce scenario optimiste à une époque où la modération salariale est érigée en dogme.
C’est un scenario qui semble reposer sur le retour d’une certaine inflation.
Si c’est le cas, cela signifie aussi l’indexation des dépenses de personnel sur des montants autrement plus élevés.
Ensuite, il devrait y avoir le tax shift.
Si les promesses se vérifient, 100 euros d’impôts en moins par mois, 1200 en base annuelle, c’est 102 euros en moins par contribuable namurois concerné dans sa facture Ipp et ils sont nombreux.
Sur le PrI, j’avais dit que l’on faisait preuve de sagesse pour 2016 en tablant sur une recette égale à celle de 2015 mais cette sagesse ne dure qu’un instant, on retable sur des hausses de 3 et 3,5 % pour les années futures, soit largement au-dessus du taux d’inflation prévu (1,6% pour 2016).
Voilà, j’ai estimé devoir m’étendre un peu sur les perspectives de nos recettes les plus importantes dont je sais que ce n’est pas la ville qui en a la maîtrise mais il me paraît qu’il n’était pas inutile de le faire, la sagesse imposant que l’on ne dépense pas ce que l’on n’a pas.
Car comment évoluent nos dépenses ?
Elles augmentent de 4,7 millions par rapport à la MB2, soit plus 2,8 %.
Cela me semble beaucoup à une époque où l’inflation est faible.
Dans les dépenses de personnel, je suis étonné de ce que le retour de congés et d’interruption de carrière est évalué à 762.000 euros.
Certes, il y a une explication en annexe mais dans la MB2, cette dépense n’atteignait que 352.000 euros, soit 410.000 euros de moins.
Vous pouvez m’expliquer ?
En outre, la prévision ne tient pas compte de l’annonce du bureau du plan d’il y a quelques jours sur une probable indexation des salaires en septembre, soit un surcoût de 440.000 euros non prévus.
Les dépenses de fonctionnement sont stables si ce n’est la dépense d’éclairage public qui est majorée de 100.000 euros suite au relèvement de la tva.
Toutefois, si j’ai bien lu, vous devrez économiser 1 million sur ce poste dès 2017 et à cet effet, vous annoncez des mesures sur l’éclairage public pour 2018 et 2019 et d’autres mesures pour 800.000 euros que vous prendrez dès la MB1 2016.
Pourquoi ne pas avoir entamé cette réduction à l’occasion de ce budget ?
Les dépenses de transfert sont comparées aux dépenses budgétées pour 2015 ce qui ne donne pas une idée précise de leur évolution.
J’observe néanmoins que, pour la Zone de Police, on a retenu un montant supérieur à 2015 de 500.000 euros.
Est-ce la seule hausse de la cotisation patronale pour les pensions qui explique cet écart ?
Quand on dit que la Zone s’est assignée un objectif de réduction structurelle de 400.000 euros de la dotation sur la période 2016 – 2021, est-ce que cette réduction porte sur l’ensemble de la période ce qui pourrait paraître peu ou par année, ce qui paraîtrait lourd dans les moments délicats que nous connaissons ?
Sur la Zone de secours, j’attendrai la présentation du budget en 2016 pour me prononcer mais, en parcourant les différents postes du budget, j’ai le sentiment que l’organisation en zone nous fait économiser quelques centaines de milliers d’euros .
Est-ce correct ?
Par contre, à partir de 2018, il nous faudrait compter 50 pompiers complémentaires, soit 1,6 million à charge de la Ville.
J’imagine que la subvention à la zone sera lourdement impactée par cette mesure.
J’en viens maintenant aux dépenses de dette.
C’est un sujet qui est rarement abordé dans nos débats et pour ce qui me concerne, je dois avouer que c’est l’interview de Madame l’Echevine des Finances à la mi-octobre qui a éveillé ma curiosité.
J’ai donc tenté de comprendre ce poste de dépenses non négligeable et je remercie encore le service des finances de m’avoir transmis des documents complémentaires dont le bottin des emprunts.
Je vous dirai tout de suite que je n’ai pas pu analyser cette brique, tout au plus, je l’ai survolé et encore…… et je rappelle que je ne suis pas expert financier.
Quelques questions sur ce point ?
1) Lors de la discussion de la MB2, j’avais posé la question de l’endettement global de la Ville, il m’avait été répondu 160 millions, chiffre que j’avais retrouvé dans les comptes du passif 2014. Pour mémoire, elle était de 108 millions en 2011.
Dans la MB2 et dans les annexes au budget, page 50, on retranche 18,8 millions de ce montant au titre d’obligation moyen terme MTN (Medium Term Note) pour redescendre à 140 millions.
J’ai demandé des explications en Commission.
Elles ne m’ont pas convaincu en raison de la technique utilisée, technique qui reporte à plus tard le remboursement du capital.
Dois-je en conclure que la dette n’est que de 140 millions ? Ou est-ce que cette opération ne modifie en rien la dette actée dans les comptes 2014, comptes que nous avons approuvés ?
J’ajoute que cette opération de réduction ne semble pas se répercuter sur la charge annuelle de nos emprunts.
2) Nous sommes en fin d’exercice 2015, nous connaissons la MB2 2015 et le budget 2016.
A l’occasion de l’examen de la MB2 et aujourd’hui du budget, je peux voir quel est le montant annuel de la charge de la dette.
Sauf distraction de ma part ou lecture trop rapide, je n’ai pas vu par contre comment évoluait notre endettement global, ni pour 2015, ni pour 2016.
Est-il possible que vous répariez ma distraction ?
Il y a bien des chiffres donnés dans le document Belfius pour 2015 et 2016 mais ils n’intègrent pas, semble-t-il, les emprunts de ces exercices, ni les opérations MTN.
3) Sur la capacité d’emprunt, vous nous rappelez que, pour limiter la croissance future de la charge de la dette, vous avez décidé de vous imposer une balise plus contraignante qui, après déduction des transferts de capacité d’emprunt vers le CPAS, la Zone de Police et la zone NAGE et après avoir ajouté une recette de vente de biens, atteindrait 73,9 millions au lieu de 89,7 millions. Cela paraît raisonnable sauf que :
- Cet objectif 2018 est déjà dépassé en 2016
- Si on est en-dessous de la balise régionale, c’est grâce au fait qu’on a pu sortir des investissements importants de cette balise ;
Est-ce que mon raisonnement est correct
4) Dans l’interview de Madame l’Echevine, j’ai cru comprendre qu’on avait allongé la durée de remboursement de certains emprunts ce qui expliquerait le relatif statu quo de la charge annuelle de la dette.
Est-ce cette opération qui explique qu’en MB1 2015, la charge de la dette a été revue à la baisse d’environ 1 million par rapport à ce qui avait été budgété initialement ?
Dans le même ordre d’idée, une opération de même ampleur sera-t-elle reconduite dans le courant de 2016 ?
5) Toujours, à propos de la durée des emprunts, en parcourant rapidement les 200 premières pages, je suis arrivé à la conclusion que plus de 60 % des emprunts de la Ville étaient conclus pour des périodes de 20 et 30 ans.
Je peux admettre que la durée d’amortissement s’étende sur de longues périodes pour certains investissements mais j’ai un peu le sentiment que l’on y recoure exagérément.
6) Ce faisant, le montant de la charge annuelle évolue relativement moins vite que l’endettement.
Je pense que c’est une politique qui simplement reporte les difficultés à plus tard.
Ainsi, de renseignements obtenus, il apparaît que si le secteur bancaire peut aujourd’hui diminuer les marges qu’il applique aux crédits sollicités par les villes, il n’empêche que des emprunts à 30 ans font l’objet d’une marge bancaire supérieure à celle qu’on applique aux crédits à 20 ans.
Personne n’ignore, en effet, que ça coûte beaucoup plus cher d’emprunter sur une période plus longue.
7) Le bottin des emprunts a été confectionné par Belfius.
Cela signifie-t-il que la ville de Namur contracte tous ses emprunts auprès de cette banque ?
Si oui, n’avons-nous pas intérêt à faire jouer la concurrence entre les banques les plus importantes ?
Je ne suis pas sûr que Belfius soit toujours l’organisme qui offre les meilleures conditions.
8) Pour conclure sur ce sujet, je pense qu’on ne pourra pas faire l’économie d’un débat spécifique sur l’évolution de la dette de la Ville.
Je voudrais m’excuser pour mon intervention plus axée sur des chiffres que sur des choix politiques encore que les uns expliquent presque toujours les autres.
J’écouterai toutes les explications que vous vous voudrez bien me donner mais je ne peux me départir d’une impression qui se renforce : des dépenses qui risquent d’augmenter notamment à cause du poids de la dette, des recettes très souvent optimistes et qui ne tiennent pas compte de mesures qui les impacteront négativement et cela, malgré une hausse des impôts sur les personnes physiques de 21% depuis que vous dirigez la Ville.
Vous l’aurez compris : je ne suis pas rassuré pour l’avenir de nos finances
Je le répète encore une fois : un pessimiste est un optimiste qui a de l’expérience.
Quelques informations supplémentaires
Sur les prévisions de recette, il faudra revoir le logiciel : c’est la même autorité qui vous avait fixé la prévision 2015 à 34,8 millions et qui vous en annonce aujourd’hui 26.
Les emprunts de longue durée n’ont qu’un mérite : celui PROVISOIRE, de limiter la charge annuelle.
Ils ont l’INCONVENIENT MAJEUR de coûter beaucoup plus cher sur la durée de l’emprunt et donc de reporter les charges sur les générations futures
La technique MTN est, selon moi, à proscrire puisqu’elle n’occasionne que des charges d’intérêt pendant la durée du prêt et reporte à plus tard le remboursement du capital . Cette technique conduit souvent à ce qu’on appelle la dette perpétuelle.
Enfin, plus que les chiffres, il y a les mots qui m’inquiètent, ceuxdu communiqué de presse commun Ville de Namur- Belfius le 5 mai 2014 où vous dites après cette opération MTN « Cette diversification des sources de financement de la ville permettra de renforcer l’image dynamique de la Ville de Namur "sans grever outrancièrement ses finances".
Je trouve l’expression inquiétante : la dette augmentera grandement mais pas de façon outrancière.
Et vous terminez en disant « sans toucher au portefeuille des namurois « Cette promesse ne manque pas de sel quand on sait que 7 mois plus tard, vous avez fait voter le relèvement de l’Ipp de 8 à 8,5%.
José DAMILOT